(BFM Bourse) - La monnaie de la zone euro a dépassé les 1,10 dollar et pourrait monter encore plus haut dans les prochains mois, en raison du retard de la BCE dans son cycle de resserrement monétaire.
Malmené l'an passé par le dollar, à l'instar des autres grandes devises, l'euro connaît un parcours cahoteux face au billet vert depuis le début de l'année.
La devise de la zone euro a d'abord effectué une importante ascension, partant de 1,066 dollar pour tutoyer les 1,10 dollar, en février. Puis le brusque mouvement de peur sur les banques déclenché par la faillite de la Silicon Valley Bank (SVB) et les difficultés de Credit Suisse ont brisé l'élan de la monnaie de l'union monétaire, le dollar bénéficiant de son statut de valeur refuge mondiale.
L'apaisement de cette mini-crise bancaire a depuis remis l'euro sur les bons rails, la monnaie de la zone euro ayant nettement dépassé les 1,10 dollar en milieu de semaine.
L'euro n'est pas la seule monnaie à s'être appréciée face au billet vert. L’indice dollar DXY, qui mesure l’évolution de la devise d’outre-Atlantique face à un panier de devises, abandonne 2,5% (*) pour le mois de janvier, (alors que l'euro s'est apprécié de 3,3% face au billet vert sur la même période).
La devise de la zone euro peut-elle monter encore plus haut face au dollar? A priori oui.
Le retard de la BCE
Plusieurs facteurs semblent jouer en faveur de l'euro, notamment sur le plan de la conjoncture. La zone euro a mieux tenu que ne le redoutaient les prévisionnistes. En particulier l'Allemagne, la première économie de la zone euro. Les cinq principaux instituts allemands de conjoncture tablent désormais sur une progression du produit intérieur brut de 0,1% au premier trimestre et de 0,3% pour l'ensemble de l'année 2023, alors qu'ils prévoyaient précédemment une contraction de 0,4%. A contrario, les derniers indicateurs d'activité aux Etats-Unis ont laissé apparaître un affaiblissement de l'économie. A tel point que Capital Economics juge "probable" que la première économie mondiale tombe en récession au cours de l'année.
L'autre grand déterminant des évolutions des parités sur les devises demeurent l'évolution des taux d'intérêt et donc en filigrane les décisions de politique monétaire des grandes banques centrales. Or, la Banque centrale européenne (BCE) est "moins avancée que la Fed (Reserve Fédérale) dans son cycle de taux", rappelle Swiss Life Asset Managers.
"La politique monétaire devrait être un facteur de moindre soutien pour le dollar, en particulier par rapport à l’euro, puisque la Banque centrale européenne devrait maintenir une politique monétaire agressive contre l’inflation et s’opposer à la force du dollar", juge de son côté Ofi invest asset management. "La BCE n'est guère proche de la fin de son cycle" de resserrement monétaire, abonde UBS.
Un équilibre difficilement atteignable à 1,25 dollar
Selon l'outil FedWatch du CME Group, les investisseurs tablent en majorité sur une nouvelle hausse des taux directeurs de 25 points de base (0,25%) de la Fed lors de sa prochaine réunion, en mai. Mais, selon ces anticipations, cette hausse serait la dernière avant même de possibles baisses au cours de l'année. La Banque centrale européenne (BCE) a, elle, encore du chemin à parcourir pour ramener l'inflation à un niveau acceptable, soit sur une trajectoire permettant de revenir à une inflation autour des 2% sur un horizon acceptable. Sa présidente, Christine Lagarde, l'avait d'ailleurs reconnu lors de sa conférence de presse de mars, notant toutefois que la banque centrale devrait aussi tenir compte des potentiels impacts des récentes tensions sur les banques.
L'ensemble de ces éléments plaident pour une remontée de l'euro au cours des prochains moins quand bien même la monnaie européenne ne devrait pas évoluer en ligne droite.
"Nous pensons toujours qu’à long terme l’euro a un réel potentiel pour s’échapper au-dessus des 1,10 [dollar, NDLR] avec peut-être une pointe à 1,15 cette année (ce qui est attendu par la plupart des trésoriers d’entreprise). Mais ce n’est pas encore le bon moment. A court terme, nous pensons que des prises de profit pourraient survenir [...]", a considéré William Gerlach, directeur régional France et Royaume-Uni au sein d’iBanFirst, dans une note publiée la semaine dernière.
De son côté la banque UBS estime que l'euro pourrait revenir à 1,12 dollar fin décembre et à 1,14 dollar fin mars 2024. "Cependant, un fort rebond des exportations est nécessaire pour une reprise durable vers l'équilibre de l'eurodollar autour de 1,25, ce qui, selon nous, ne se produira pas au cours des 12 prochains mois", précise-t-elle toutefois.
Dans une note publiée vendredi, Deutsche Bank juge pour sa part que l'euro peut aller chercher les 1,15 dollar voire les 1,20 dollar cette année, si le dollar s'affaiblit et que la Fed adopte un ton plus accommodant, ce qui lui semble "raisonnable" comme hypothèses.
(*) Les cours ont été arrêtées jeudi soir.