(BFM Bourse) - La devise de la zone euro a repris sur les trois derniers mois près de 9% face au dollar, à la faveur d'un regain d'appétit pour le risque du marché. Mais certains bureaux d'études jugent que la monnaie unique pourrait subir des prises des bénéfices à court terme. Mais d'ici à la fin de l'année, l'euro semble parti pour revenir à 1,10 dollar.
Après avoir été malmené par le roi dollar jusqu'à l'automne, l'euro prend sa revanche. Sur trois mois, la devise de la zone euro a repris du poil de la bête face au billet vert, gagnant ainsi plus de 9% (*). Par rapport au point bas atteint en septembre, la monnaie de l'union monétaire reprend même près de 14%.
Plusieurs facteurs expliquent cette progression. Tout d'abord, le marché a retrouvé au cours des derniers mois un appétit pour le risque qui a plombé le dollar, considéré comme une valeur refuge face aux incertitudes économiques. La devise européenne a aussi été soutenue par la réouverture économique de la Chine, souligne Deutsche Bank, car l'euro reste une monnaie "pro-cyclique".
La Banque centrale européenne, elle, a fait preuve à de multiples reprises de fermeté et détermination pour atteindre son but, à savoir renouer avec un taux d'inflation en zone euro proche de 2% - elle se situait à 9,2% sur un an en décembre - dans un horizon jugé "acceptable". Les derniers indicateurs économiques ont, par ailleurs, montré une nette amélioration des perspectives économiques dans la zone euro. Les récents indices PMI pour janvier dans l'union monétaire ont par exemple atteint un plus haut de sept mois, laissant entrevoir l'espoir que la zone euro échappe à la récession cette année.
Vers une consolidation à court terme?
"Compte tenu de l’effondrement des prix du gaz, les termes de l’échange de l’euro ont complètement dénoué la détérioration de 2022 et la fin de l’hiver supprimera une dernière source de prime de risque dans l’approvisionnement énergétique européen", explique aussi Deutsche Bank.
Mais le marché n'est-il pas allé un peu vite en besogne? Au-delà de l'euro, les experts du BlackRock Investment Institute considère que le marché a fait preuve d'un "optimisme trop hâtif".
Bank of America considère de son côté que la chute du dollar est excessive, évoquant une "sur-réaction". "Il est certain que les forces à l'origine de la forte hausse du dollar l'année dernière semblent s'être retournées : L'inflation américaine a probablement atteint un pic, la Chine a pris des mesures rapides pour rouvrir ses portes et les prix de l'énergie sont plus bas. Cependant, sur chacun de ces fronts, nous ne pensons pas que nous soyons encore sortis de l'auberge", développe la banque américaine.
La banque suisse UBS voit, elle, l'euro "consolider" face au dollar à court terme, c'est-à-dire subir des prises de bénéfices dans les "mois à venir" avec des "turbulences à l'horizon". L'établissement helvétique considère que la Réserve fédérale pourrait surprendre le marché et l'amener à repousser l'horizon où il prévoit les baisses de taux de la Réserve fédérale américaine. Ce qui soutiendrait le dollar face à l'euro. UBS estime aussi que la zone euro reste vulnérable au resserrement monétaire de la Banque centrale européenne. "L'économie européenne n'est, à notre avis, pas encore assez forte pour résister à la tendance hawkish [restrictive, NDLR] que certains membres de la BCE ont promue ces dernières semaines", juge la banque.
Un euro au-dessus de 1,2 dollar en 2024?
UBS voit ainsi l'euro-dollar redescendre à 1,05 fin mars puis remonter à 1,07 à fin juin puis fin septembre avant toutefois d'atteindre fin décembre 1,10 euro. Bank of America de son côté, prévoit une évolution similaire anticipant un taux à 1,05 fin mars, puis 1,05 fin juin, 1,07 fin septembre et 1,10 fin décembre.
De leur côté Barclays et Deutsche Bank sont plus optimistes. La banque britannique voit l'euro atteindre 1,12 dollar à la fin de l'année, prévision qu'elle a récemment relevée (elle anticipait un taux de 1,05 dollar précédemment). Deutsche Bank considère, elle, que l'euro pourrait atteindre 1,10 dollar d'ici fin juin et même 1,15 dollar à la fin de l'année.
Economiste chez la société de services financiers Atlantic Financial Group, Bruno Jacquier ne considère pas que l'euro a rebondi trop vite face au dollar, jugeant le mouvement en ligne avec, par exemple, le resserrement des écarts de rendements obligataires sur les titres de dette à deux ans entre la zone euro et les Etats-Unis.
"Notre objectif de taux de change est à 1,14 pour fin juin, 1,23 pour la fin d’année, puis 1,27 fin 2024, ce qui correspondrait à sa valeur d’équilibre en terme de parité de pouvoir d’achat", explique-t-il.
L'économiste considère que le dollar conservera son statut de valeur refuge cette année, "mais cela ne sera pas suffisant pour qu'il s'apprécie".
"D’une part car les fondamentaux comme l’écart de rendements ne sont plus aussi porteurs et, d’autre part car les Etats-Unis vont être sous pression pour financer leur dette cette année", développe-t-il.
(*) Cours arrêté vendredi à la fin de la séance parisienne