(BFM Bourse) - L'élection de Donald Trump a amené plusieurs bureaux d'études à reconsidérer l'évolution du dollar face à la devise de l'union monétaire. Plusieurs d'entre eux jugent un retour à la parité crédible dans un horizon de plusieurs mois.
La présidentielle américaine devait constituer un important catalyseur pour le dollar. L'évènement, qui a donc accordé une large victoire au républicain Donald Trump, n'a pas déçu. Depuis début octobre, lorsque le marché a commencé à anticiper l'élection de l'homme d'affaires, le dollar a bondi d'environ 5,2% face à l'euro et a accéléré sa progression après l'issue du scrutin. La monnaie de la zone euro évolue à des plus bas de plus d'un an face au dollar, s'échangeant actuellement (*) autour de 1,0555 dollar.
Plus largement, l'US Dollar Index, qui mesure la performance du billet vert face à un panier de grandes devises internationales, a repris 5,8% sur la même période.
Pour de multiples raisons, la politique souhaitée par Donald Trump est perçue comme favorable au dollar et donc défavorable à l'euro. Tout d'abord parce que, bien qu'inflationniste, elle est censée amplifier la croissance des Etats-Unis, ce qui soutiendrait la devise américaine. Ensuite parce que l'alourdissement des droits de douanes voulu par l'homme d'affaires, notamment vis-à-vis de la Chine, risque de mettre à mal les autres devises internationales.
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Une pression à la hausse sur les taux
Le programme de Donald Trump incorpore "une possibilité réaliste de droits de douane américains de 60% ou plus sur la Chine et de droits de douane généralisés de 10% ou plus, ce qui augmente les chances que les monnaies ex-dollar américain se déprécient par rapport au billet vert pour anticiper la perte de compétitivité sur les marchés américains qu'impliquent les droits de douane", explique UBS.
"Cela vaut même s'il est vrai que le processus pour parvenir à ce résultat peut prendre de nombreux mois et que les droits de douane réels pourraient ne pas être perçus avant fin 2025 / début 2026 au plus tôt", nuance la banque.
Par ailleurs, les investisseurs estiment également que la politique économique de Donald Trump se traduira par un alourdissement des déficits, ce qui tire les rendements des obligations américaines vers le haut. Mécaniquement (plus les taux sont élevés, plus la demande pour une monnaie a tendance à être forte) cela porte le dollar face aux autres devises.
De plus, la politique économique de l'homme d'affaires risque d'amener la Réserve fédérale américaine (Fed) à ne pas remonter aussi vite les taux qu'elle l'aurait fait autrement.
"Les données américaines s'étant avérées relativement résistantes dans l'ensemble, toute nouvelle question sur l'ampleur de la baisse des taux de la Fed (Réserve fédérale américaine, NDLR) si une administration républicaine lance une nouvelle vague de mesures considérées comme stimulantes pour l'économie ne peut que contribuer à maintenir la prime de rendement saine du dollar par rapport à ses principaux rivaux", explique UBS.
Dans ce contexte, jusqu'où l'euro peut-il tomber face au dollar? Bas, très bas même, selon plusieurs bureaux d'études. "L’eurodollar pourrait rapidement renouer avec 1,05 voire se rapprocher de la parité. La perspective de tarifs douaniers tend traditionnellement à renforcer la devise du pays qui les met en place – en l’occurrence le dollar. Le mécanisme est bien connu : en mettant en place des tarifs douaniers prohibitifs, cela va provoquer une baisse des importations américaines qui, par ricochet, va induire une diminution de la demande pour les devises étrangères par rapport au dollar", a écrit William Gerlach, de iBanfirst, mercredi dernier.
"Dans le cas présent, le marché semble aussi sanctionner la faiblesse économique européenne", a-t-il ajouté.
La parité voire moins
Plusieurs bureaux d'études estiment, eux aussi, que l'euro devrait s'approcher voire casser la parité face au billet vert à plus ou moins moyen terme. C'est-à-dire qu'un euro devrait valoir moins d'un dollar à l'avenir.
Dans des estimations publiées la semaine dernière, UBS a tablé sur un eurodollar à 1,07 dollar à fin décembre, à 1,04 à fin décembre 2025 et à 1,00 dollar fin 2026. La banque suisse n'exclut pas des prises de bénéfices sur le dollar à court terme. "Mais dans une perspective à plus long terme, la logique de la force du dollar américain dans ce cadre est solide", écrit UBS.
Pour Deutsche Bank, "si l'agenda de Trump est mis en œuvre rapidement et dans toute sa force, sans réponse politique compensatoire de la part de l'Europe ou de la Chine, nous pourrions voir l'eurodollar chuter à travers la parité jusqu'à 0,95 ou même en dessous".
"Il s'agirait d'un dépassement qui porterait le dollar réel pondéré en fonction des échanges commerciaux à des niveaux record, dépassant la période Volcker (du nom de Paul Volcker, président de la Fed de 1979 à 1987, NDLR). Une approche plus équilibrée (…) suggérerait une chute de l'eurodollar à 1,00 qui correspondrait aux records historiques du dollar sans les dépasser", ajoute la banque allemande.
Capital Economics estime aussi que la parité euro/dollar est "de retour dans les cartes", et prévoit qu'elle pourrait survenir d'ici à la fin de 2025.
Deux éléments principaux amènent Capital Economics à établir cette prévision. Tout d'abord, les tarifs douanier voulus par Donald Trump apporteront "un boost au dollar américain", considère, à son tour, le bureau d'études économiques.
Une BCE plus accommodante que la Fed
Ensuite, Capital Economics juge que la Banque centrale européenne (BCE) baissera davantage ses taux directeurs que ne s'y attend le marché, au contraire de la Fed.
"Après tout, on s'attend généralement à ce que la Fed réagisse à l'effet inflationniste des droits de douane en assouplissant sa politique plus lentement et moins qu'elle ne l'aurait fait autrement, alors que le choc économique du ralentissement des exportations pourrait inciter la BCE à assouplir sa politique plus qu'elle ne l'aurait fait", explique Capital Economics.
"L'effondrement du gouvernement allemand pourrait stimuler l'euro si le prochain gouvernement assouplit sa politique budgétaire, mais pour l'instant, l'incertitude ne fait qu'ajouter aux vents contraires à court terme qui pèsent sur la monnaie", poursuit le think tank.
La chute de l'euro face au dollar risque d'être encore plus rapide en réalité. "C'est le pire scénario que l'on puisse imaginer pour l'euro", a déclaré à Bloomberg Mark McCormick, responsable mondial de la stratégie des devises et des marchés émergents chez TD Securities, qui s'attend à ce que l'euro tombe à 1,03 dollar d'ici à ce que Donald Trump prenne ses fonctions? en janvier. La parité "est absolument en jeu" après cela, a-t-il ajouté.
Également cité par l'agence, le courtier japonais Mizhuo International voit l'euro à 1,01 dollar pas plus tard qu'en mars prochain…
(*) Les cours ont été arrêtés vendredi dans l'après-midi.