(BFM Bourse) - Le fait d'avoir consacré un article à la brutale dévalorisation de la devise turque vaut à deux journalistes locaux, employés par Bloomberg, un passage devant les juges. Ils sont accusés d'avoir tenu des propos mensongers susceptibles d'affecter la stabilité financière du pays.
Deux journalistes de l'agence financière américaine Bloomberg ont comparu vendredi devant un tribunal stambouliote, accusés d'avoir mis la stabilité de l'économie du pays en péril en écrivant au sujet de la chute de la livre turque en 2018.
Dans un article paru en août 2018, Fercan Yalinkilic et Kerim Karakaya ont évoqué l'action en réponse de la banque centrale et des autorités turques face au plongeon de la devise nationale. D'autres personnes, dont deux journalistes et un économiste, ont aussi été mis en cause au nom de la législation turque sur le contrôle des marchés financiers. Tous se sont déclarés non coupables, assurant n'avoir rien fait d'autre que de rapporter des faits établis. L'un des accusés, rapporte le Financial Times, a qualifié l'affaires de "tragicomédie". Le rédacteur en chef de Bloomberg, John Micklewait, a déploré une mise en cause entièrement injustifiée.
Affectée par la défiance des investisseurs étrangers pour la devise, la livre turque avait perdu jusqu'à un tiers de sa valeur au cours de l'été 2018, et une brève récession s'est ensuivie.
La Turquie pointe, au classement de Reporters Sans Frontières, au 157 rang (sur 180 pays) en matière de respect de la liberté de la presse. Selon l'association, l'appareil judiciaire est parfois mis en oeuvre de façon à museler des voix jugées critiques vis-à-vis du gouvernement Erdogan.
L'autorité de supervision et de régulation bancaire turque a de son côté ouvert une enquête au sujet de JPMorgan, au motif d'une note de la banque américaine recommandant à ses clients une position vendeuse sur la devise.
Lors de la crise, le chef de l'Etat turc a affirmé que la chute de la livre résultait d'un complot de puissances étrangères pour l'affaiblir, et menacé les spéculateurs de sanctions.
Les demandes d'acquittement ont été rejetées vendredi par le tribunal, mais les journalistes de l'agence ont été laissés libres en attendant la prochaine audition, prévue en janvier 2020.